journal de Monsieur Pérez, le "fiancé" de madame Meursault
auteurs :
Ariadna Garcés 2d 4
Daniel Rodan 2d 4
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27 avril 1937
Aujourd'hui, 27 avril, c'est un jour différent des autres. Tout s'est passé vite et lentement à la fois: d'abord, j'étais heureux d'être dans ce monde, c'est elle qui me permettait de respirer, de vivre; puis, ça y est, elle est partie en me laissant seul.
Me voilà d'abord, un jour apparemment normal, assis à côté de la bière de ma "fiancée". J'avais reçu un télégramme de l'asile: « Mme Meursault décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués ». On m'avait interdit d'assister à la veillée funèbre, “j'étais trop vieux”. Voilà ce que l'on me disait.
Avec tant d'imprécisions, ce télégramme m'avait désorienté. J'avais finalement compris que Mme Meursault aurait dû réellement être ma fiancée car elle était prête à tout revivre, à côté de moi.
Le destin nous a joué un très sale tour: tout le monde sait que l'on naît pour enfin mourir. Mais cela ne change rien, plus maintenant. Elle avait pris conscience qu'elle quitterait ce monde un de ces jours, la vie nous échappe. Pourtant, j'avais envie de renoncer à ce monde avant elle. Je ne voulais pas la voir partir, s'éloigner de moi. La réalité est la réalité et on ne devrait pas la modifier, jamais.
Quand je me retrouvais à côté de la bière, je ne savais quoi penser, quoi dire, comment agir. J'avais l'impression qu'il s'agissait d'un cauchemar.
28 avril 1937
28 avril. Jour de l'enterrement, auquel j'ai assisté.
En plein midi, le soleil se trouvait au zénith. C’est à ce moment là que nous nous sommes mis en marche: le directeur de l'asile, l'infirmière, un homme d'un trentaine d'années que je n'avais jamais vu, et moi. Peu de monde assistait à l’enterrement.
J'avais froid mais j'ai constaté que le temps était agréable, d'ailleurs. Il faisait chaud. Mon corps était autant gêné que mon cerveau. Ce paysage me rappelait tellement de choses, des souvenirs si agréables...
Non. Elle n'était pas morte, c'était tout à fait impossible. Pourtant, le reste des personnes (sauf ce jeune homme dont j'ignorais le nom) se comportaient de façon cohérente: ils évoquaient tous leur tristesse, leur peine. Moi même j'ai laissé échapper toutes les larmes que je pouvais. Je trouve cela naturel.
Certaines fois, j'apercevais le jeune homme qui m'observait. On m'avait informé qu'il s'agissait de M. Meursault, le fils de ma “fiancée”. Il me regardait pendant quelques instants et puis, il tournait la tête et regardait ailleurs. Peut-être essayait-il de comprendre quelque chose en regardant mon visage déjà vieux et usé, je ne sais pas.
J'avais du mal à les suivre, c'est pourquoi je prenais des raccourcis. Cela m'embêtait, ils m'enfonçaient dans une profonde mélancolie: Mme Meursault insistait toujours pour les emprunter quand nous partions nous promener.
Je ne sentais plus mes jambes, ni ma tête. C'est à ce moment que je me suis évanoui.
7 août 1937
Je n'en peux plus. Que dois-je faire? Mourir? Je ne sais pas.
J'ai été appelé comme témoin de l'accusation du procès de M. Meursault. J'avais reçu une convocation qui m'a “drôlement” surpris. Je me demande pourquoi il a été mis en prison, quel crime avait-il commis.
Avant le début du procès, on m'a annoncé que Meursault avait tué un Arabe. Je n'en savais rien, c'était étonnant.
J'ai aperçu le directeur et le concierge de l'asile, trois hommes et une jeune femme. De même, eux avaient été appelés comme témoins à charge de l'accusation.
On m'a demandé ce qu'avait fait Meursault le jour de l'enterrement. Je n'ai pas été capable de répondre à la question: j'ai dit que j'avais trop de peine ce jour-là, qu'elle m'avait empêché de voir avec clarté, que j'étais incapable de voir quelque chose. J'ai ajouté que j'avais trop de peine et que finalement je me suis évanoui.
On m'a ensuite demandé si j'avais vu Meursault pleurer. J'étais confus car je croyais que Meursault avait été mis en prison à cause du meurtre de l'Arabe. Je ne comprenais pas les questions que l'on me posait. De toute façon, j'ai répondu à ce que l'on me demandait. J'ai répondu que non, que je n'avais pas vu Meursault pleurer le jour de l'enterrement: moi même j'avais trop de peine et je n'étais pas en conditions de regarder les autres. La seule chose dont je me suis aperçu, c'est que le reste du public a ri lors de ma réponse. J'étais vraiment bouleversé et étonné car Meursault, qui avait tué un Arabe, avait été accusé et condamné pour avoir tué moralement Mme Meursault, sa mère, ma “fiancée”, mon futur, mon amour. Tous les témoins ont fait leurs déclarations et on a ensuite quitté la salle.
14 octobre 1938
J'ai enfin compris que ma mission, mon but s'étaient accomplis. Maintenant, la vie que je mène n'a plus de sens: elle n'est plus là avec moi, elle est partie. Je reviens alors où j'en étais: que dois-je faire? Continuer mon chemin? Voir mes derniers jours passer devant mes vieux yeux? Ou dois-je mourir et la rejoindre?
Ariadna Garcés, 2d 4
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Jeudi 9/6/1933
Aujourd’hui, elle est morte. Son agonie était insoutenable. J’ai passé toute la soirée et toute la nuit à pleurer et à penser à elle. Je me suis souvenu du jour où je l’ai connue. Elle venait d’arriver à l’asile, et elle était toute seule dans son coin. Je n’oublierai jamais sa splendide robe bleue. Elle sentait la lavande, ou les roses, je ne sais plus. On a bavardé…et on s’est ainsi connus.
J’ai aussi réfléchi aux soirées, au village, tous les deux. Au cinéma, au café, … tout était tellement beau ! Je voyais la vie en rose…
Cet après-midi a eu lieu la veillée funèbre en son honneur. Mon assistance n’a pas été autorisée, puisque le directeur et le docteur pensaient que ce n’était pas psychologiquement bon pour moi d’assister, en plus de l’enterrement, à la veillée funèbre. Cependant, Paul et Jacqueline me l’ont racontée : le silence était sépulcral, les têtes, d’enterrement…sauf celle de son fils ! On m’a dit qu’il n’a même pas éprouvé de chagrin. Sale monstre! Il a même pris du café et a fumé.
Ma nuit a été mélancolique. Je n’ai pas dormi, j’ai simplement pensé à elle. C’est pourquoi je suis fatigué.
Vendredi 10/6/1933
Ce matin, je suis allé la voir physiquement pour la dernière fois. L’ « au revoir » a été spécialement dur. Je suis allé à l’église à pied.
J’avais très chaud. La voiture allait plus vite que moi. Elle me dépassait, je prenais des raccourcis et je la rejoignais, puis elle me dépassait une autre fois…Son fils me regardait constamment, je ne sais pas pourquoi. Heureusement, je connais des raccourcis, souvent situés à l’ombre. C’était tout de même horriblement fatigant.
L’enterrement a commencé à midi. Tout s’est passé si lentement… Pendant la messe, son fils n’a pleuré à aucun moment. Il n’a même pas été stressé et ne m’a pas paru nerveux. Au contraire, il était calme, voire même ennuyé et fatigué, même s’il avait fait tout le trajet en voiture. Comme si ce qui se déroulait n’avait aucun sens pour lui. Au début, je l’ai pris pour un pauvre vagabond qui ne venait que pour mendier. Ce n’est sûrement pas la faute de sa mère : on ne peut rien y faire, avec de tels fils. Je n’ai pas vu plus de détails, j’avais trop de peine. Ensuite, je ne me rappelle rien : je me suis évanoui.
Maintenant, je crois qu’il ne me reste plus de larmes à déverser. Je n’ai jamais autant pleuré, même lors du décès de mes parents. Mon visage est détruit et mon âme brisée. Je suis comme Prométhée. Tout ce qui me reste est dévoré par le diable. Plutôt ne pas vivre et la rejoindre au ciel.
Samedi 11/6/1933
Je suis tout seul. Je m’ennuie. Je pleure. Je me contente des bons moments passés avec elle. Sans qu’elle soit à côté de moi, je suis comme un étranger ici.
Mardi 21/1/1934
Je viens de retrouver le journal. De toute façon, rien ne s’est passé depuis. Je suis tout seul, je pense à elle. Demain j’irai au procès de son fils. J’ai reçu la convocation il y a deux mois. Au début, j’ai été un peu surpris. Mais dans le fond cela ne m’étonnait pas: je savais bien que ce garçon était un danger public.
Mercredi 22/1/1934
Aujourd’hui, j’ai assisté à l’audience où son fils était jugé. Il a tué un Arabe, paraît-il. Je suis appelé comme témoin, même si je n’ai pas assisté à l’assassinat. L’avocat général m’a demandé si je l’avais vu pleurer. Par respect envers sa mère, je n’ai rien dit de mauvais sur lui. J’ai quand même dit que je ne l’avais pas vu pleurer, mais que c’était peut-être ma faute.
Je n’ai pas pu éviter d’observer le jeune homme, qui , me semble-t-il, n’était présent que physiquement. Son comportement était véritablement étrange. Tel semblait être son ennui que, si le sommeil l’avait envahi, je n’aurais guère été étonné. Il avait bien mérité la mort, mais ce serait injuste qu’il aille dans le même monde que sa mère.
Daniel Rodan, 2de 4