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INCIPITS romans

INCIPITS DE ROMANS

auteurs:

Hugo Roquero
2d 6
Luís Antón 2d 6
Diana Sánchez 2d 6
Maryline Souche 2d 6
Mónica Barrio
Louise Lecaros 2d6
Ignacio Navarro 2d 6
Clara Espinosa 2d 6

 


      Les deux jeunes gens tuaient le temps dans la gare centrale de Rome. Lars et Thomas étaient deux hollandais qui, ayant achevé leur scolarité, avaient pris un ticket de l’Inter rail dans le but de faire le tour de l’Europe en quête d’aventures, avant de commencer les études universitaires dans leur pays natal. Ils avaient commencé par visiter les pays du nord de l’Europe puis avaient traversé tous les pays de l’est, et étaient enfin arrivés en Italie, à Rome, qui était l’avant-dernière étape de leur voyage, avant de passer par la France puis revenir chez eux. Cela faisait plus de trois semaines depuis le début de leur tournée, et ils avaient déjà vécu des expériences qu’ils n’oublieraient jamais, rencontrant des dizaines de personnes intéressantes et visitant les endroits les plus célèbres du continent. Mais, au cours de leur circuit, ils avaient abusé du peu d’argent qu’ils possédaient, ce qui, ajouté à une mauvaise rencontre faite en Bulgarie, signifiait qu’ils étaient arrivés au bout de leurs ressources en sortant de la Slovénie. Ils comptaient alors sur la bonne volonté d’un ami qu’ils avaient à Rome et qui, sans doute, leur prêterait suffisamment d’argent pour pouvoir survivre en Italie et en France, et leur offrirait un logement pendant leur séjour dans la capitale italienne.

      C’est ainsi qu’ils attendaient cet ami, Alessio, depuis plus d’une heure, assis sur un banc de la gare et fatigués du long voyage et de l’attente. Lars jouait avec un petit manège qu’il avait acheté dans un marché aux puces d’Athènes, et Thomas sommeillait un peu, tandis que leur impatience et leur préoccupation augmentaient. Comment se pouvait-t-il qu’Alessio eut oublié leur rendez-vous ? Il constituait leur seul espoir de pouvoir subsister jusqu’à leur arrivée à Amsterdam, et cette pensée les tourmentait tous les deux. Ils étaient résolus à ne pas demander plus d’argent à leurs parents, ce qu’ils avaient déjà dû faire à deux reprises, et ce que leur orgueil ne leur permettait pas de répéter à nouveau. Ils devraient quand même être capables de finir un voyage d’un mois tout seuls, sans avoir recours à leurs parents !

      L’attente se poursuivit pendant une heure encore. Ils se décidèrent finalement à aller à la recherche de leur ami italien. Ils avaient déjà essayé de communiquer avec lui par téléphone à plusieurs reprises sans succès et ils résolurent de chercher son adresse dans un annuaire, mais ce fut à nouveau un échec. Ils étaient alors furieux du manque de responsabilité de leur ami et se demandaient ce qu’ils pourraient bien faire dans une ville inconnue, sans argent, sans abri, dans des conditions d’hygiène lamentables, et sans parler un mot d’italien ! Le pire de tout était qu’ils devraient subir cette situation pendant plus d’une semaine, car ils auraient le même problème à Paris.

     Thomas eut alors l’idée d’aller dans un cybercafé pour envoyer un courrier électronique à Alessio en le priant de se mettre en contact avec eux le plus tôt possible. Ils avaient besoin pour cela d’un euro qu’ils cherchèrent sous les machines de coca, où les gens ont tendance à perdre leurs monnaies. Ils réussirent enfin à réunir l’argent nécessaire après avoir trouvé plusieurs pièces de dix et vingt centimes, et ils envoyèrent le message, sans trop d’espoir étant donné que leur ami n’avait pas répondu à l’appel téléphonique. Ils attendirent pendant une heure devant l’écran de l’ordinateur mais aucune réponse n’arriva et ils durent abandonner l’usage de la machine puisqu’ils n’avaient plus d’argent. Ils commençaient à désespérer, ne voyant pas comment ils pourraient sortir de cette situation inquiétante. À cette angoisse s’ajoutait une faim croissante, car il était déjà quatre heures de l’après-midi et ils n’avaient rien mangé depuis le matin. Il y avait aussi le problème de la fatigue : après trois semaines de voyage, dormant mal et portant toujours avec eux des sacs excessivement lourds, ils étaient accablés. Mais ils devraient sans doute se débarrasser de plusieurs de leurs affaires pour se payer une pension ou un hôtel, s’ils ne trouvaient pas Alessio.

     C’est alors que Lars s’exclama : »Il nous a peut-être laissé un message ! Allons voir à la réception de la gare ! ». Les deux jeunes gens sortirent en courant en direction du centre d’information de la gare de Rome, mais leur espoir momentané s’évanouit rapidement, lorsqu’ils apprirent qu’il n’y avait aucun message pour eux. Ils vaguèrent alors sans direction à l’intérieur de la gare, anxieux pour leur devenir. Soudain, Lars eut une nouvelle idée. Il se rappela que l’été précédent ils avaient fait connaissance d’Alessio, qui séjournait en Hollande, à travers d’un de leurs amis, Robbe, qui les avait présentés. Robbe connaissait Alessio depuis longtemps et il saurait sans doute son adresse et son numéro de portable. Lars l’appela donc en P.C.V. et il accepta l’appel. Robbe leur fournit les deux informations que Lars demandait. Thomas, qui avait encore du crédit dans son portable, appela Alessio, mais le portable était éteint. Les deux hollandais prirent donc la décision d’aller trouver l’italien chez lui.

       La maison de l’italien était située à plusieurs kilomètres de la gare, ce qui faisait que les deux amis étaient forcés de trouver un moyen de locomotion. Ils décidèrent alors de prendre un autobus qui les laissait à quelque centaines de mètres de la maison, puis de faire le reste à pied. Ils durent donc entrer dans l’autobus sans payer et passèrent inaperçus par le chauffeur, ce qui ne fut pas très difficile car le bus était saturé de passagers.

      Au bout d’une demi-heure, après avoir marché quelques minutes, Thomas et Lars arrivèrent devant l’immeuble où habitait Alessio. C’était un ancien bâtiment à cinq étages, à la façade délabrée, situé dans un quartier assez pauvre. Les escaliers qui menaient à l’entrée étaient à moitié défoncés, et les jeunes gens eurent de la peine à les escalader. Une fois à l’intérieur de l’immeuble, les deux compagnons cherchèrent en vain un concierge sur le rez-de-chaussée, puis essayèrent de deviner le numéro de l’appartement de leur ami italien sur les boîtes à lettres, mais les noms des propriétaires étaient la plupart effacés ou pas inscrits. Leur seule issue était donc d’aller d’étage en étage jusqu’à trouver celui d’Alessio, ou, au moins, celui de quelqu’un qui sût où il habitait.

        Ils montèrent donc au premier étage où ils furent reçus par une vieille femme qui sans doute était folle ou sénile puisqu’elle commença à crier en les chassant de chez elle à coups de balai. Ils durent échapper en courant pour ne pas recevoir une bastonnade, sans avoir le temps de vérifier si l’appartement contigu à celui de la vieille femme appartenait à Alessio.

        Ils passèrent alors au deuxième étage et eurent le même succès. Un des appartements était loué par un chinois qui ne comprenait ni l’anglais ni le hollandais, et même pas l’italien, et l’autre était vide. Décidemment, ce n’était pas une bonne journée pour les deux amis. Ce n’est qu’au troisième étage qu’un voisin put les renseigner sur Alessio. En effet, un jeune homme anglais qui avait à peu près leur âge connaissait assez bien Alessio car ils étaient camarades à l’Université de La Sapienza. Mais les nouvelles qu’il transmit ne furent pas encourageantes pour les deux hollandais. Apparemment, leur ami italien n’était pas allé à l’Université depuis deux jours, mais son voisin et camarade ne s’était pas inquiété car Alessio, disait-il, manquait fréquemment aux cours. Par contre, Thomas et Lars s’alarmèrent car ils avaient parlé avec le jeune italien trois jours auparavant, et il semblait en très bonne santé. Malgré cette crainte commune aux deux amis, aucun n’osait la prononcer à voix haute, par peur que leurs pires présages ne s’accomplissent. Thomas enfin exprima son envie de vérifier que tout allait bien chez Alessio et d’élucider les motifs de son absence au rendez-vous. Ils prièrent le jeune anglais de les guider vers la demeure de leur ami, ce qu’il fit aussitôt.

       L’appartement était en réalité une des mansardes et se situait au-dessus du cinquième étage. À mesure qu’ils montaient, les cœurs des deux amis battaient de plus en plus fort, et ils avaient un nœud à l’estomac, signe de leur peur croissante, accentuée par l’ambiance lugubre de ce qui les entourait. Cette courte ascension leur sembla interminable et au bout d’un moment ils n’entendaient plus que le craquement des escaliers en bois sous leurs pieds. Ils arrivèrent enfin à l’étage des mansardes et s’arrêtèrent brusquement devant la porte de la chambre d’Alessio. Aucun des deux amis hollandais ne semblait décidé à frapper à la porte et même l’Anglais, qui semblait si indifférent auparavant, se tenait à l’écart, pris d’une soudaine frayeur. Enfin, Thomas prit courage et leva le poing pour frapper à la porte, mais au moment où il toucha le bois, elle s’ouvrit toute seule lentement…

Hugo Roquero 2d 6

 


 

 


         A présent, nous étions sûrs de nous en tirer. En effet, la prison de Batillon, où Jean, Thomas, et moi-même étions injustement incarcérés, se trouvait à quelques dizaines de kilomètres. Nous marchions depuis des heures direction Nord-Est, vers Menton, un petit village situé au bord de la Seine où nos familles respectives nous attendaient les bras ouverts dans nos humbles demeures.

 

Au moment où l’on se réunit avec les nôtres, on expliqua rapidement la facilité avec laquelle on s’était échappés, autour d’un délicieux repas où le vin rouge et la dinde farcie étaient en abondance. Jean fit remarquer que nous n’aurions jamais réussi notre fuite sans l’aide des autres prisonniers, qui faisaient essentiellement diversion. Thomas répliqua que notre fuite n’avait été possible qu’en tenant compte de l’incompétence du personnel de la prison, et de la précarité des moyens de celle-ci.

 

Ma mère ne participait pas à la conversation. Depuis le début du festin, elle paraissait captivée par mon aspect détérioré. Ses grands yeux ronds fixaient mes maigres poignets et la pâleur de ma tête.  Maman, de manière quasi automatique, remplissait mon assiette ainsi que mon verre en  répétant d’une petite voix « Frank, mange… mange encore un peu, t’en as vraiment besoin ! » chaque fois que mon ventre affamé avalait un plat de plus.       

 

   Aucun de nous ne voulait rester à jamais dans la clandestinité, caché dans la maison pendant toute la journée, craignant, à chaque instant, l’arrestation, en imaginant… que notre liberté s’en irait aussi vite qu’on l’avait regagnée quelques heures plus tôt. De plus, il y avait beaucoup de monde que l’on désirait revoir, mais auprès d’eux, on risquait  de se faire dénoncer, après toutes les rumeurs qui circulaient depuis notre emprisonnement. C’est pourquoi on décida d’ouvrir notre petite enquête  qui permettrait d’envoyer en prison les véritables assassins de Jean-Claude, le maire du village, ainsi que de démontrer notre innocence.

Luís Antón, 2d 6, Madrid, 2006




                 Adeline Serpilllon appartenait à cette écrasante majorité des mortels qu’on n’assassine pratiquement pas.
Elle vivait seule avec son chat dans une maison jumelle d’un petit village, n’avait jamais voyagé et toutes les connaissances de l’extérieur qu’elle possédait, elle les avait apprises de sa mère. Pour Adeline, tout se limitait à une seule et insignifiante phrase que sa mère lui avait répétée constamment avant de mourir :   « Marie - toi et jamais tu ne seras seule ».

Cependant Adeline ne parlait jamais avec personne et n’avait pas d’amis. En outre, elle n’était pas gracieuse. Ses yeux étaient saillants et son nez aquilin. Tandis que ses cheveux ébouriffés lui donnaient un air peu soigné. Adeline rêvait d’un prince charmant qui l’emmènerait avec lui, mais les années passaient et cet homme merveilleux n’apparaissait pas. Que dirait sa mère si elle voyait sa fille à l’âge de   trente – cinq ans sans s’être mariée ? Ce serait une honte terrible pour la famille !

            Un jour, son chat Milou s’échappa et grimpa à un arbre du jardin. Adeline, qui avait peur des hauteurs, alla frapper la porte de son voisin. Jean, qui était le célibataire le plus apprécié de la zone, accepta aimablement d’aller chercher Milou. Il prit une échelle et la posa sur l’arbre. Puis, avec agilité, il prit le chat. Mais soudain, Milou, transformé en une bête féroce, lui sauta à la tête. Le pauvre Jean ne voyant rien, finit par tomber de l’échelle. Le résultat ? Une jambe et un bras cassés, en plus de nombreuses égratignures causées par le fauve d’Adeline.

            Se sentant coupable de l’accident de Jean, Adeline prit la dure décision de s’occuper de son malheureux voisin. Elle commença par lui apporter de la nourriture et par lui lire quelques romans, jusqu’à ce qu’elle s’installe définitivement chez lui.

            Tout le voisinage, qui ne s’était jamais préoccupé pour Adeline, pensait maintenant qu’elle était très solidaire en supportant cette charge. Mais Jean n’était pas du même avis. Lui, qui pouvait à peine bouger de son lit, avait vu comment Adeline avait envahi la maison peu à peu. Le pire arriva quand son ami le facteur lui dit qu’il y avait dans le voisinage une rumeur d’un possible mariage entre lui et la Serpillon.

            Cette idée commença à lui ronger la tête. Non, ce n’était pas possible. Et si ?... Peut être croyait-elle qu’elle lui plaisait ! Mais ce n’était pas vrai ! Quelle horreur ! Il ne pourrait pas souffrir sa voisine le reste de ses jours. Il fallait faire quelque chose. N’importe quelle idée absurde était valable pour se débarrasser de cette plaie qui portait le nom d’Adeline Serpillon. Sans oublier son

Diana Sánchez, 2d 6, Madrid, 2006      

 


                                               

            Il y avait d’abord ce visage allongé par quelques rides verticales telles des cicatrices creusées par de lointaines insomnies, un visage mal rasé, travaillé par le temps. Malgré cet aspect fatigué, ce visage n’avait jamais perdu l’image du révolutionnaire infatigable. Cet homme, trop vieux et trop fou pour rester seul, avait pour seule compagnie sa petite-fille Sylvia. Elle n’avait que dix ans et adorait s’occuper de son grand-père. Il était sûrement trop vieux pour la vie qu’il menait, mais son esprit jeune ne périrait jamais. En effet il croyait être encore jeune, Sylvia avait essayé de lui expliquer tellement de fois que rien n’était comme avant que, finalement, elle avait décidé d’écouter ses histoires sur le reste du monde, tout cet univers caché derrière la mer qui entourait la petite île des Antilles où elle habitait. Jamais personne n’avait tenu compte de son grand-père, mais Sylvia écoutait avec admiration tout ce qu’il savait. Souvent elle s’imaginait en Europe ou en Asie et ne faisait que semblant d’écouter son grand-père. Elle rêvait souvent d’une vraie vie où tout serait facile sans être enfermée dans cette île emprisonnée par l’eau.

            Sylvia avait dix ans, mais elle semblait n’en avoir que sept, à cause de sa petite taille et de ses forces d’enfant sous-alimentée. Elle avait de longs cheveux noirs frisés et une peau douce, dont la couleur était celle du caramel. Ses grands yeux noirs avaient vu trop de pauvreté et de violence, ils avaient perdu trop tôt leur éclat, pour ne montrer que la souffrance d’une enfance perdue. Son sourire était le seul brin de tendresse que gardait son visage, mais Sylvia n’aimait pas sourire, elle trouvait que la joie était trop hypocrite dans sa vie de ténèbres. Elle ne gardait son sourire que pour son grand-père quand il lui faisait voir d’autres mondes. Le petit corps fragile de Sylvia montrait la faim quelle supportait par orgueil, selon tout le monde, mais pour elle, c’était par honneur. Ses mains étaient déjà vieilles à cause du travail à la maison. Ses jambes et ses pieds, couverts de petites blessures, souffraient depuis toujours la marche de longs chemins sans chaussures, mais Sylvia avait pris l’habitude de la souffrance. Tout en elle rappelait les mendiants et faisait pitié.

            Malgré son jeune âge, Sylvia savait bien que sa vie était injuste. Son travail était celui d’une femme au foyer. Elle s’occupait du ménage et de la cuisine, cette vie d’adulte l’empêchait de montrer son enfance, mais tout s’évanouissait lors de ses rêveries.

            Pour rêver, Sylvia choisissait les endroits les plus secrets de cette petite île des Antilles, où elle se cachait pour s’enfuir entre les parfums des mangues, des ananas et des papayes ; et les couleurs des perroquets. Cette ambiance l’aidait  à voir que tout de même elle aimait cet endroit. Mais la vérité était très différente et il y avait beaucoup de défauts qu’elle aurait aimé changer, surtout les touristes qu’elle n’avait jamais aimés. Cette île était l’abstraction d’innombrables touristes, qui remplissaient toute l’année les plages de sable blanc et d’eau claire toujours chaude.

            Sylvia voulait souvent partir, mais surtout quand elle était avec sa famille qui n’avait aucune attention pour elle. Sa mère avait eu une enfance comme celle de sa fille, ce qui l’avait transformée en une personne dure qui semblait avoir perdu le cœur. Cela faisait peur à Sylvia, elle ne voulait pas devenir comme sa mère. Cette femme devait travailler pour sa famille de cinq enfants dont aucun ne dépassait les quinze ans, mais tous travaillaient sauf Sylvia, qui était-là pour les aider tous.

            Mais l’argent n’était pas suffisant et la mère avait décidé de se défaire de tout ce qui n’était pas indispensable. Cela comprenait aussi son père, auquel elle avait menti et qu’elle avait abandonné. Toutes les plaintes de Sylvia furent inutiles mais trop fatigantes pour sa mère. Sans que Sylvia soit au courant, sa mère avait pris la décision d’accomplir son rêve : elle irait en Europe, mais comme esclave d’une famille de touristes auxquels Sylvia avait été vendue. Sans comprendre, la petite fille fut un matin réveillée qui la poussait hors de chez elle sans lui donner le temps d’avoir une explication ni de dire au revoir. Dehors il n’y avait qu’une petite fille de son âge qui l’attendait avec un sourire faux qui lui inspirait déjà une profonde haine.  


     Marilyne Souche, 2d 6, Madrid, 2006


           
     
Je suis une cigarette.
Suite à une longue série de réflexions sur ma propre personne, je suis arrivée à cette conclusion. Ma vie est très semblable, pour ne pas dire identique, à celle d’une cigarette quelconque.

Je ne veux absolument pas vous convaincre, ni vous faire changer d’avis sur le sens de votre vie. Mon seul désir c’est d’exprimer mes sentiments et mes pensées ouvertement pour, peut-être, me libérer. Je dis peut-être car je n’ai jamais fait cela auparavant et je ne suis pas sûre des résultats que j’obtiendrai. Ce qui m’a poussée à écrire mon autobiographie c’est une accumulation excessive d’ennuis, accompagnée d’un besoin très égoïste de paix interne.

         Après avoir éclairé les raisons de cette rédaction, je poursuis mon analyse personnelle. Les cigarettes sont toutes pareilles à première vue. Elles ont un filtre et du papier qui enroule le tabac. Les hommes et les femmes aussi. En général ils ont deux jambes, deux bras, une tête… mais si l’on observe plus précisément, il n’existe aucune personne complètement identique à une autre. Chaque cigarette porte un petit détail interne qui établit une unité. Comme tous les humains. Ils ont les yeux, les cheveux, la peau de couleurs différentes, un type de sang spécifique et un ADN complètement personnel.

         D’autre part, les cigarettes appartiennent à une marque déterminée depuis leur naissance jusqu’à sa mort. Les hommes aussi, dès que nous arrivons au monde, on nous qualifie et nous sommes rangés par classes sociales.

         De plus, il y a plusieurs types de cigarettes, des bonnes et des mauvaises, comme les hommes. Il y a des personnes généreuses, aimables… mais aussi des personnages égocentriques et égoïstes.

         La vie des hommes est comme celle d’une cigarette rangée dans sa boîte attendant le jour où quelqu’un arrive et l’allume. Pour moi c’est pareil, j’attends le moment où quelqu’un allumera ma vie. J’ai l’espérance, ou le désespoir, que quelqu’un me trouve et change ma vie, quelqu’un qui me fasse réagir et m’élance au sommet de mon existence. Cette espérance se transforme souvent en désespoir puisque, dès le moment où on allume une cigarette, elle se consume et sa vie commence à finir. Pourquoi serait-ce différent pour moi ? Je n’ai trouvé aucune raison logique. Lorsque j’atteindrai le sommet de ma vie, la course décadente qui a pour but la mort débutera.

         Moi, je n’ai pas peur de la mort.

 Mónica Barrio Díez, 2d 6, Madrid, 2006
  


            Je suis une cigarette, qui se consume au fil du temps mais qui en a perdu la notion. Chaque matin, lorsque je me réveille, je suis dans cette chambre et le soir, je m’endors aussi dans la même pièce. En fait, je passe mes journées dans ce dortoir fermé à clef de l’extérieur. Je demeure ici depuis trois mois, non! Plus, six mois ? Non ! Je ne sais plus, depuis longtemps. Cette pièce est composée de quatre murs, un lit, un bureau, une table de nuit et un petit cabinet avec un miroir qui d’ailleurs n’est plus là puisque je l’ai cassé pendant un moment de colère. La tapisserie des murs est vraiment originale. Je n’ai jamais rien vu d’aussi laid. Je ne sais même pas comment la décrire. C’est une sorte de serpent bleu d’où sortent des roses et des feuilles. J’oubliais : ma chambre a une fenêtre qui a vue sur un mur bleu, ce qui donne l’impression qu’il fait beau, mais c’est faux puisqu’il pleut toujours dans ce pays étranger. Je dis bien étranger car je ne sais même pas où je suis. Cela paraîtra un peu bizarre mais je ne connaîs ni ces personnes qui de temps en temps m’interrogent ni la langue qu’ils utilisent. La question que je me pose le plus souvent est : pourquoi suis-je ici ? Cette question tourne dans ma tête sans réponse. Qu’est-ce que j’ai fait pour être ici ? À vrai dire, je n’en sais rien car avant d’être ici, j’étais une personne solitaire qui travaillait dans un magasin. En parlant du magasin, je dois écrire à mon chef pour l’informer que je suis ici, même si c’est un peu tard, après tant de temps. Mais je n’ai jamais pu faire cette lettre puisque les interrogateurs ne me laissent rien faire, sauf être dans cette pièce, où c’est le néant, il n’y a rien, pas de papier, pas de crayon, qu’un livre en allemand intitulé : « Naturlich », ce qui, je le déduis, veut dire naturellement. Je ne savais pas parler allemand avant d’arriver ici, mais à force de le lire j’ai deviné les mots et j’ai compris l’histoire que j’ai trouvé intéressante. De plus, je peux, maintenant, réciter par cœur le livre. C’était mon passe-temps. Mais à présent, je ne sais plus quoi faire, je vais seulement aux interrogatoires. Comme je l’ai dit, de temps en temps, souvent le matin, il vient me chercher. C’est un homme, de grande taille, des yeux bleus (comme le mur), des cheveux longs châtains et toujours des vêtements sombres. Je crois que sa couleur préférée est le marron mais je ne suis pas sûr car il ne m’a jamais adressé la parole, je pense qu’il n’en a pas le droit. Au début, j’essayais de lui parler, cependant maintenant je suis fatigué, fatigué de ne rien faire. Il me mène hors de mon dortoir, dans un long couloir obscur et silencieux. Puis nous arrivons dans une salle d’attente avec deux chaises, un tableau, et une porte, qui donne sur une petite pièce sans décoration. Il y a une table, une chaise d’un côté et deux de l’autre. Je dois m’asseoir sur la chaise solitaire et en face de moi, se tiennent les deux interrogateurs. Ils me posent des questions sans cesse mais dans une langue étrangère, que je ne comprends pas, donc je ne peux pas parler, puis ils s’énervent et appellent l’homme de grande taille pour m’emmener dans ma chambre. Après avoir traversé la salle d’attente et le couloir, me voilà de retour dans la pièce monotone. Tous les interrogatoires se passent ainsi, avant j’avais peur mais maintenant je suis habitué. Je pense que ces hommes me posent des questions sur ce que j’ai vu un soir d’été, lorsque je fermais le magasin.

 Louise Lecaros, 2d 6, Madrid, 2006

 


LA DÉCADENCE DE L'ART

 

      Oubliées sur la page ouverte, les paumes humides tachaient le papier. Sur les feuilles vierges, la tête glissait entre les mains avec un bruissement infime mais sinistre. Figure décadente du plaisir égaré, le poète semblait évoquer, en cette position, quelque silencieuse prière au-delà des confins du savoir humain. Mais, depuis bien longtemps et à son insu, ses ferveurs muettes n’invoquaient rien de plus qu’un sommeil douloureux, alors que, très tôt le lendemain, il devait se réveiller sous les clartés de l’aurore pour ne pas succomber à la folie.
 

            Cette figure sombre et courbée gisait au milieu d’une brume d’ombres ; la nuit parfumait la pièce. La fenêtre était ouverte et laissait pénétrer une suave brise, dont l’encens frêle et froid crispait les traits de l’aède. Sur la table, une bougie quasi-éteinte, un encrier quasi-vide, une âme quasi-morte…Seule la lueur d’un feu étranger illuminait la chambre du poète. Il y avait un fauteuil, un tableau sale, un tapis âcre, rongés par tant d’années qui s’étaient relevées dans cet endroit solitaire. Le visage de l’artiste n’avait pas été gracié ; des rides s’accumulaient sous ses yeux éteints, une barbe touffue et blanchâtre peuplait son faciès… La lassitude habitait le corps du poète, sans que ce dernier ne fisse rien pour la chasser.

 

            Il s’était endormi vers sept heures du soir, ne trouvant plus d’inspiration ni de forces pour remuer la plume. Le crépuscule avait été précoce, son esprit s’était éteint trop tôt, le prenant hors garde. En dépit de cela, son encre n’avait pas encore taché le papier, seules ses paumes l’avaient mouillé. Ce pauvre homme avait quelque difficulté à trouver ce que d’ailleurs il avait tant besoin d’apaiser. Dans ce quartier parisien, il était célèbre par sa mondanité, et non pas par son intellect, car ce n’était que chez lui que la solitude l’envahissait. Il passait de nombreuses heures dans les salons et cafés, espérant trouver chez autrui l’enthousiasme créateur qui semblait lui échapper. Puis, à l’arrivée du soir, feignant d’avoir eu quelque idée révélatrice, prête à être transcrite sur du papier, il s’endormait sur le bureau. C’était, malgré l’habitude, un fait qu’il ignorait et qu’il n’arrivait point à combattre.

 

            Cependant, quelques années auparavant, son nom figurait sur toutes les gazettes artistiques, ses poèmes étaient connus par la plupart des français ; il était maître de lucidité. Il n’habitait pas dans cet appartement pauvre et usé, mais dans un bel hôtel près du bois de Boulogne, et passait pour un galant gentilhomme, en plus de son renom. Recevant souvent chez lui les plus belles filles de la bourgeoisie, il avait même atteint le statut de Don Juan. Poète riche qu’il était, son éloquence raffinée l’aidait dans ses conquêtes ; nulle femme ne se résistait à son charme (ou plutôt, à son art de « faire la chattemite »). On pouvait le voir se promenant dans les jardins, en compagnie d’une ou de plusieurs demoiselles avec un mariage pourtant déjà consolidé, ce qui indignait les illustres conservateurs. Même si l’attitude de cet artiste s’opposait à certaines mœurs sociales, sa fatuité le soulevait plus haut que ces normes ridicules. Contraint par sa joie et son plaisir à poursuivre ces exploits merveilleux, le poète en venait trop loin. Un jour, il fut surpris dans la chapelle d’une abbaye avec une nonne en entretient fort voluptueux, ce qui finit par scandaliser la société. Il fit face à la justice, mais fut incroyablement libéré de toute charge, car la pression de ses compagnes qui l’auraient suivi jusqu’à la mort, et celle des femmes qu’il fréquentait, qui d’ailleurs ne recherchaient point de loyauté mais des aventures occasionnelles hors de leur ennuyeux hymen, devança celle des accusateurs. Alors qu’une partie de la capitale était fielleuse à son égard, une plus grande partie le supportait, le voyant comme un martyr ou comme un séducteur, suivant qui l’affirmait. Et l’artiste, envahi par une ivresse divine d’inspiration, poursuivait la rédaction de ses poèmes, maints traitant l’amour, d’autres des sujets épiques, les publiant pour le ravissement et la complicité du peuple.

 

            Un soir d’automne, alors que le poète errait gaiement dans les bois, avec sa plume et ses carnets, il y eut un orage. Comme il était un peu loin de son hôtel, il dut se réfugier sous un chêne pour ne pas mouiller les nobles vêtements qu’il portait, envers lesquels il sentait une étrange admiration. La tempête ne dura pas plus d’un quart d’heure, et lorsque le poète s’apprêtait à rentrer chez lui, le vent emporta son chapeau, qui vint se déposer sur une branche. Après avoir lancé quelques imprécations vers les cieux, l’homme entreprit l’ascension de l’arbre pour récupérer sa coiffure. Il regarda vers les feuillages pour essayer de la discerner, et, par mégarde, il se trouva face à face avec la lune et s’endormit.

 


 Ignacio Navarro, 2d 6
                                                                                    


           
            Je suis seul maintenant et tout laisse à penser qu´il en ira ainsi jusqu´à la fin.
 Toute ma famille m´a abandonné à cause de mon problème. J´avais des parents qui m´aidaient en tout quand je le leur demandais, ils m´aimaient. Mes frères aussi étaient là quand j´en avais besoin. Maintenant, je suis âgé de cinquante ans, peut être que je vivrai beaucoup plus d´années mais je n´ai personne avec qui parcourir le chemin. Je voudrais retourner en arrière pour recommencer, mais cela est impossible, alors la seule chose que je peux faire c´est raconter mon histoire pour que les gens apprennent de mes erreurs.

            Tout commença la nuit de mon vingtième anniversaire. Pour le fêter j’allai avec mes amis à un pub. Moi, je n´avais jamais goûté l´alcool, même pas le champagne que mes parents m´offraient toutes les années à Noël. Mais cette nuit-là tout changea. Je voulais m´amuser et mes camarades me convainquirent de goûter l´alcool. Ils disaient qu´il allait m´aider à être plus ouvert avec les gens et à perdre ma timidité. Au bout de trois ou quatre verres, je  vérifiai avec plaisir que mes amis avaient raison et je me dis que j´étais idiot de n´y avoir jamais goûté jusqu´à ce moment-là. Depuis cette nuit-là, je n´arrêtai pas de boire avec mes amis tous les jours que je pouvais. Mais lorsque j´avais vingt-trois ans, durant une fête je bus tellement que mes copains durent appeler l´ambulance. Lorsque j’arrivai à l´hôpital, j´étais dans un si mauvais état qu´ils durent appeler mes parents. Le lendemain j´étais à nouveau en pleine forme et  je dus affronter mes géniteurs. Lorsqu´ils arrivèrent, je vis  que ma mère pleurait et mon père avait l´air d´avoir vieilli d´une dizaine d´années d´un coup. Ils me demandèrent la raison pour laquelle j´avais commencé à boire de l´alcool, mais je ne sus répondre ou plutôt je ne voulus pas. De plus je dus leur promettre de ne plus toucher à l´alcool et ils m´ inscrirent dans des thérapies de groupe.

Deux semaines plus tard les thérapies ont commencé mais au bout d’un mois je décidai de ne plus y aller. Au lieu d´aller aux sessions, j´allais au bar du coin de la rue. Lorsque ma famille apprit mes escapades, elle m´obligea à choisir entre leur amour et leur appui et l´alcool.

 

 Clara Espinosa, 2d 6, 2006, Madrid





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