MEURSAULT...L'Etranger II
L’ÉTRANGER II
Règle du jeu : continuer le roman de Camus après la phrase finale
TEXTES ET AUTEURS (classe de 2d
4 "Et je suis resté ainsi pendant une longue semaine, sans savoir la date précise de mon exécution." María Lasa
J’imaginais leurs visages.
Les gendarmes sont arrivés. Ils étaient à bout de souffle et pourtant ils se sont arrêtés net devant moi. Ils m’ont regardé longtemps en silence, sans oser bouger. Dans ce regard, j’ai lu une peur, une peur noire écrasante.
Ils ont repris leur sang-froid et ont tenté de dissimuler leur peur, de la cacher, mais ils n’y sont pas parvenus.
Alors, l’un d’eux, le plus vieux, a dit d’une voix neutre: “Il faut y aller”.
La voix du garde m’a ramené à la réalité.
En sortant de la voiture, je suis resté un instant sous la pluie.
J’ai savouré le goût salé de chacune de ces gouttes se laissant périr désespérément sur mon visage.
Je me suis senti libéré et le bonheur infini de ce qui m’attendait a parcouru intensément chaque partie de mon corps.
“Voulez-vous dîner avant votre exécution?”
Le même gendarme m’a parlé doucement et j’ai perçu dans son regard de la pitié. J’ai répondu sèchement, avec rancune : “Non, j’ai attendu ceci trop longtemps.”
Le regard le plus expressif, le plus répétitif de ma vie…et le plus détesté.
D’habitude ce regard donnait naissance en moi à une douleur indescriptible, qui me tranchait peu à peu le cœur d’une fine lame.
Aujourd’hui, c’était moi qui les étranglais, qui les faisais souffrir infiniment.
En rêve j’avais imaginé cela…
Enfin, j’ai compris: l’étranger, c’était eux.
Véronique Arranz
J´étais encore à moitié endormi quand j´ai entendu des pas dans le couloir. Ils venaient. Ils venaient me prendre, je le savais, mon coeur le savait. On a ouvert la porte et un jeune gendarme m´a dit que c´était le moment. Je n´ai pas aperçu en lui la haine que j´attendais. J´ai même cru voir de la peine dans son regard. Il m´a pris par le bras pour m´aider à me lever du sol où j´étais assis, et la marche vers la mort a commencé. Les pas étaient longs, comme pour perdre du temps, un temps précieux quand il nous reste seulement quelques instants de vie.
C´est curieux comme on pense à ces choses, avant insignifiantes, qui, dans ces quelques instants avant la mort deviennent importantes: les oiseaux, les arbres qui bougent avec le vent, le soleil... Je ne pensais pas à cela avec angoisse, mais avec une tendre indifférence.
Quand je suis arrivé à la voiture, toutes ces images se sont transformées. Curieusement, comme dans beaucoup de films que j´avais vus, j´ai vu toute ma vie en images. J´ai commencé par me voir avant d´avoir envoyé maman à l´asile, puis les visites que je lui faisais là-bas, où on ne parlait jamais, seulement on se regardait. On n´avait pas besoin de plus. Peut-être quelque mots, inutiles, muets.
Puis, la veillée funèbre, le café, la cigarette et les larmes qui auraient dû sortir de moi.
Ensuite, j´ai pensé à Marie, et son sourire. Aussi au jour de notre rencontre, et le film qu´on avait vu ensemble, comique, le jour après la mort de maman. Plus tard, j´ai vu Salamano, qui, désespéré, cherchait son chien qu´il avait tant battu, en pleurant.
Puis, Raymond, quand il m'a dit que j´étais un vrai copain. Je me demande s´il continue à l´être. Copain d´un condamné à mort!
Je ne sais pas pourquoi, je me suis rappelé le jour où j´avais connu la petite automate. Elle était un peu bizarre, avec ses mouvements brusques et saccadés.
Juste après, c´est le procès qui m´est venu en tête, le procureur, les juges, les avocats, le public, la sensation d´être exclu de mon propre procès, les journalistes... Mais surtout le jeune journaliste et son regard, si intense. Et l´image de tous mes défenseurs, Marie, Raymond, Céleste... après leurs interventions.
Tous les événements postérieurs à cela, c´est à dire la prison, c´étaient des images vagues, car, là-bas, le temps ne passait pas, le jour se confondait avec la nuit, et les heures passaient à la fois lentement et rapidement.
C´est dans cet instant que la voiture s´est arrêtée. L´endroit était comme je l´imaginais, discret. J´étais surpris, car il y avait du public.
Les gendarmes m´ont fait marcher jusqu´au centre de cette masse de gens, où se situait l´appareil. Un homme s´est mis à réciter le discours: "Au nom du peuple français..."Après, je n´ai plus écouté. J´ai regardé les gens. Il y avait Marie, Raymond, le jeune journaliste, Céleste et d´autres gens que je ne connaissais pas.
Quand l´homme a fini son discours, on m´a placé dans l´appareil. J´ai vu que Marie pleurait et Raymond entourait ses épaules avec son bras. Après j´ai vu le jeune journaliste qui me regardait de la même façon que le jour de ma condamnation. Cette intensité augmentait beaucoup. Il y a eu même un moment où j´ai cru ne plus pouvoir soutenir ce regard. Un instant après, il a fermé les yeux. Ensuite, tout est devenu noir.
Alba Zamora
Et si l´aumônier disait vrai? Et si la mort était suivie d´une autre vie? Ceci était ridicule, pourquoi me posais-je cette question? Moi qui avais tout le temps refusé l´idée de l´Église? Dans cette chaude soirée, j´avais peut-être trouvé la tranquillité, mais le fait de réfléchir si souvent, de ne faire que cela, en fait, avait fait augmenter mes doutes. J´ai regardé par la petite fenêtre de ma, maintenant familière, cellule. Quelle était donc la vie qu´il y avait là dehors? Elle me semblait tellement étrangère...Je n´ai pas trouvé pourquoi, il me semblait que j´étais entre deux mondes inconnus. Pourtant, j´en avais déjà vécu un. Et Marie? Qu´était-elle devenue? Se souvenait-elle de moi? Est-ce qu´elle serait présente à mon exécution? Je ne la reverrais plus... Je me sentais stupide, comme si on ne m´avait pas condamné pour avoir tué un homme...Où était-il? Je me sentais de plus en plus perdu, puis je fermais les yeux.
Le lendemain, j’ai demandé pour la première fois un journal. Il me semblait que c´était ma seule façon, d´une certaine manière, de voir le monde extérieur. La dernière fois que j´avais ouvert un journal, c´était lorsque j´avais découvert l´histoire du Tchécoslovaque. Je conservais encore l´article qui la traitait dans ma poche. Les titres ne m’ont pas fait pas ressentir grand chose: "Vendeurs de chaises asiatiques en manque de clientèle arrivent à Alger", puis un article sur la restructuration de la musique classique. Depuis ce jour donc, une nouvelle occupation m´était venue, la lecture, mais je sentais de plus en plus une angoisse qui me montait dans la gorge. J´allais mourir quelques jours plus tard, sans savoir ce qu´il y avait après, comme si j´allais me jeter dans un grand trou noir sans savoir où j´allais tomber.
À deux jours de mon exécution, une terrible nouvelle m´a fait trembler de tous mes membres, je n´ai pas lu l´article, juste le titre me suffisait pour suffoquer: "Un homme condamné à mort pour ne pas avoir pleuré à l´enterrement de sa mère". Une terrible angoisse m´est à nouveau montée dans la gorge, je ne sais pas pourquoi, cela faisait longtemps que je ne pensais plus à ma mère. La nuit qui a suivi m´a été si pénible que je n´ai pas pu fermer l´oeil. J´avais pris conscience de ce qui m´attendait. Ma mère, elle, était partie en paix. Moi....moi j´aurais la tête tranchée...Mais pourquoi donc cette angoisse tout d´un coup? Il me fallait absolument sortir de cette vie, de cette cellule, rien à faire...
Le jour de mon exécution est arrivé. Je transpirais. La sueur couvrait mon pauvre corps qui dans quelques heures n´allait plus avoir d´esprit. Les autres prisonniers criaient, ils étaient excités, mais je les entendais à peine, sachant que j´allais partir mais ne sachant pas où. Cette attitude était-elle liée à mon exécution? Le savaient-ils, eux? Sûrement...Je n´avais rien mangé, mon estomac était déjà mort. Il était quinze heures, le soleil tapait dehors. Un gendarme a ouvert ma cellule: "C´est l´heure, Meursault". Je n´arrivais presque pas à marcher, je tremblais. Je me suis mis à pleurer, je ne sais pas pourquoi. Peut-être
On entend toujours dire qu´au moment de notre mort les moments les plus importants de notre vie défilent devant nos yeux en une fraction de seconde. Tout d´abord, cet instant dure beaucoup plus qu´une fraction de seconde, il s´étend jusqu`à l´infini. Pour moi, c´était être allongé sur la plage les soirs d´été, les moments vécus avec ma famille puis avec Marie, puis le soleil, ce soleil qui m´avait tellement encombré, et qui, maintenant, n´était plus qu´un souvenir...
Adrien Fohr
Et je suis resté ainsi pendant une longue semaine, sans savoir la date précise de mon exécution. Cependant, je n’ai jamais cessé de penser aux raisons de mon arrestation. Peu importait..…tout était fait : j´étais dans ma cellule et rien ni personne ne pouvait m’empêcher de mourir… Tant pis, ce n’était qu’un évènement de plus…..rien que ça.
J’étais assis sur mon lit, lorsqu’un garde est entré pour m’annoncer une visite. L’aumônier à nouveau… Nous sommes restés pendant un long moment à nous regarder. J’ai senti derrière ses yeux profonds une certaine peine pour moi. Pourtant, je n’ai pas compris. Il s’est avancé vers moi. « Vous savez, peu m’importe que vous ayez de meilleures affaires dont vous occuper jusqu’au… » Il s’est tu. Je n’ai pas compris non plus les raisons de son silence au moment de parler de mon exécution. Enfin, il a repris « ...jusqu’au jour de votre exécution ». Merde. Il allait recommencer. « Vous allez mourir, cher Monsieur, vous allez laisser votre corps sur terre! Et vous êtes comme si rien ne se passait ! » D’ailleurs, il avait raison, pour moi, il ne se passait rien. Pourquoi avait-il eu l’idée de revenir et d’essayer de me convaincre, si je n’étais ni un ami ni une connaissance pour lui ? J’ai pensé. C’est bon, il y a encore des fous sur terre…
Il est parti, beaucoup plus énervé que la fois précédente. Cette fois, j’espérais qu’il ne reviendrait plus. J’ai commencé à penser au sujet de Dieu…...« laisser le corps sur terre »… Peut-être avais-je peur de la mort. Peut-être avais-je voulu me cacher sous l’indifférence. Oui, peut-être. J’ai eu tellement de temps pour penser dans ma cellule, pour douter à propos de tout, pour ne croire à rien et à tout à la fois, que j’ai même pensé à Dieu… Et donc ? Quel est le problème ? Je n’ai jamais rien su de ma vie à propos de lui, de cet homme, étranger pour moi. On ne peut jamais juger quelqu’un sans le connaître…..sauf la mort. Donc, pourquoi ne pas essayer de connaître Dieu ? C’était drôle…..Mais au moins ça tuait un peu mon temps. J’ai pensé et pensé…..Ça y est. Je croyais en Dieu.
Mon père ? Oui, j’aurais aimé le connaître. Pourtant, je ne l’avais jamais vu. Ce serait bien de faire sa connaissance le lendemain de mon exécution. J’ai commencé à m’impatienter. Si on se connaissait, il pourrait me raconter ses pensées et ses sentiments de la veille, lors de mon exécution. Je suis sûr qu’il m’aurait regardé de loin. Il aurait eu une immense envie de vomir….. Peut être.
[…]
Six jours ont passé. J’ai pourtant réfléchi chaque jour au même sujet.
Le matin, soudain, on a ouvert ma porte. Le garde est entré. « Le moment est arrivé ,Monsieur. Debout. Le peuple français vous attend dehors. » Je me suis habillé le mieux possible. Je suis parti avec les deux gardes qui avaient un air miséricordieux. Soudain, je me suis trouvé sur une place, entouré de cris ; de cris de haine comme je l’avais désiré des jours avant.
J’étais content. J’avais au moins une espérance de connaître mon père : Dieu. Il ne fallait que penser à celui-ci avant de mourir, puis tout serait fait : je connaîtrais mon père.
María Lasa
Meursault est sorti tout à coup entre deux agents de police. La chaleur était insupportable. Des gouttes de sueur tombaient sur ses yeux. L’atmosphère était lourde, aucune ombre, aucune brise. Meursault se rappelait de la scène de l’Arabe. La température et la lumière étaient identiques. Cette infernale après-midi ne finissait jamais.
La nuit est tombée brusquement au moment où Meursault a été tué. A ce moment-là, un vent froid a parcouru les visages des spectateurs. Un grand silence s’est formé alors. Les gens ont arrêté de crier, les journalistes ont arrêté d’écrire. Ils sont restés immobiles pendant quelques secondes, les regards fixes sur le corps.
On a fait disparaître le corps et chacun est parti chez soi. Aucun commentaire. Personne ne parlait. Marie s’est dirigée chez Meursault accompagnée de Raymond. Elle voulait dormir là-bas cette nuit. Ils sont rentrés ensemble et Marie a commencé à regarder quelques photos des plages d’Alger que Meursault avait faites. Elle s’est rappelée alors de la demande en mariage, puis elle a commencé à pleurer. Raymond lui a proposé de dîner ensemble. Marie a accepté. Ils ont parlé longtemps de l’exécution, et de l’accueil avec ces cris de haine.
Belén García
J’ai recommencé à penser aux possibilités de ne pas être exécuté. Si l’article provoquait un nouveau procès, peut-être que cette fois-ci le verdict serait différent.
Si rien ne changeait, ou si après l’hypothétique procès le jugement était le même, je serais exécuté comme prévu et mon dernier souhait serait qu’il y eût un public important et haineux. J’en étais arrivé là dans mes pensées lorsqu’un garde est entré.
Mon cœur a fait un bond dans ma poitrine et j’ai été sur le point de vomir. Il venait m’annoncer que mon exécution avait été repoussée, et que d’une façon ou d’une autre, j’avais au moins une semaine avant mon dernier souffle.
Je dois une semaine de vie au jeune journaliste. Maintenant, mon seul espoir est de mourir sans honte mais toujours avec des cris de haine. Les hommes sont cruels. Ils vous donnent des espoirs pour vous les arracher tout de suite.
On m’a emmené vers la machine. La lumière éclatante du soleil m’a étourdi au début, puis elle m’a rendu la tranquillité. Il y avait plus de monde que ce à quoi je m’attendais, mais c’est plutôt la curiosité que la haine qui les avait amenés jusqu’ici. À ce qu’on m’avait dit, on parlait beaucoup de mon procès dans les journaux, et l’article du jeune journaliste avait fait beaucoup de bruit dans la ville. J’avais l’impression que le garde de ma droite me regardait avec compassion. Il m’a beaucoup énervé. Je ne veux pas qu’on ait pitié de moi. J’ai regardé tout autour de moi. Aucune issue possible. Toujours cette stricte organisation. Mon espoir s’évanouissait, les idées m’échappaient comme l’eau entre les mains, sans que je puisse les rattraper. Tout avait été calculé. Je ne mourrais donc pas d’une balle à la volée.
Teresa Golmayo, décembre 2004